Les politiciens français aiment parler d’intégration, mais leurs opinions sur les citoyens français d’origine asiatique sont stéréotypées. Les premières générations d’immigrants chinois se sont tues (et se taisent encore) malgré tout ce qu’elles ont vécu, mais leurs enfants, sans barrière linguistique, réagissent maintenant. La société porte un jugement sur votre apparence. Les Français voient mon visage et m’assignent un rôle particulier avant même que j’ouvre la bouche. Ils le voient comme un signal et l’interprètent : voilà un Asiatique qui travaille dur, ne dit pas grand-chose et ne fait pas d’histoires », explique Jacques Sun du CRAAF.
Problèmes d’identité
On estime à 600 000 le nombre de personnes d’origine chinoise en France, principalement en Ile-de-France (la France n’autorise pas la collecte de statistiques sur les origines ethniques).
Dans les années 1970, les boat people de Teochew sont arrivés en transport, de province de Guangdong, au sud de la Chine. Ils avaient fui au Cambodge, au Laos et au Sud-Vietnam pour échapper au communisme et sont partis – avec de nombreux Sud-Vietnamiens – à la fin de la guerre avec les États-Unis. Beaucoup se sont installés dans le 13e arrondissement de Paris, d’autres dans les banlieues. Lorsque la Chine a ouvert ses frontières en 1979, d’autres ont émigré de Wenzhou.
La vie ici est très simple selon Jacques Sun
La présence chinoise dans le commerce et la confection est souvent considérée comme un signe que la communauté est économiquement florissante : on estime à 35 000 le nombre de petites entreprises en France, dont des restaurants, des épiceries, des fleuristes, des bars et des bureaux de tabac, dirigées par des Chinois.
Plus de 28 000 étudiants chinois fréquentent les universités et les grandes écoles (chiffres 2015-6), ce qui en fait le deuxième contingent étranger le plus important, selon l’Observatoire de la Mobilité de Campus France, un observatoire de l’enseignement supérieur. Certains, comme Li Donglu, 34 ans, ont l’intention de rester ici. Il a étudié à l’Ecole des Beaux-Arts de Versailles, et vit aujourd’hui dans une chambre de la banlieue parisienne de Montreuil. Il fait partie de la nouvelle génération d’artistes chinois qui vivent (modestement) de l’art.
Pour Jacques Sun, des dizaines de milliers de Chinois sans papiers gagnent encore des salaires de misère dans des emplois peu qualifiés dans la restauration, la construction et la confection. Une étude réalisée en 2005 a chiffré ce chiffre à 60 000, dont 66 % à Paris (3). D’autres sont contraints de se prostituer. Mais la réussite de la majorité prédomine dans l’imaginaire culturel, et cette image de Chinois fortunés explique les fréquentes agressions. Guo Zhimin, responsable de l’Association des Commerçants et Industriels Franco-Chinois, qui a dirigé un supermarché asiatique à Belleville de 1995 à 2003, a déclaré : « Il y avait des vols toutes les semaines ».
Ce manque de sécurité a fait descendre la communauté chinoise de France dans les rues pour la première fois en juin 2010, lorsque 8 500 personnes selon la police, 30 000 selon les organisateurs, ont défilé dans Belleville pour protester contre l’agression d’une réception de mariage.
La violence est plus dangereuse aujourd’hui
Néanmoins, Jacques Sun pense que « la violence est aujourd’hui beaucoup plus dangereuse. Avant, les voleurs se contentaient de voler des sacs et de l’argent ; aujourd’hui, ils agressent d’abord leurs victimes ». Zhang Chaolin, 49 ans, a été assassiné par trois jeunes à Aubervilliers en août dernier, provoquant une manifestation bien organisée en septembre 2016. Cinquante mille personnes (15 500 selon la police), en majorité des Chinois mais aussi des Vietnamiens, des Cambodgiens et des Coréens, se sont rassemblées place de la République à Paris et ont scandé « Liberté, égalité, fraternité et sécurité ».